Rencontre avec Martina Torelli, lauréate du prix Yves Chauvin 2022

Le prix Yves Chauvin 2022 a été attribué par le conseil scientifique d’IFPEN à Martina Torelli pour son travail de thèse intitulé « Modelling Microbial Methane Processes in Marine Environments: from source to seep . Insights from Basin Analysis». 

Martina Torelli a reçu son prix lors de la cérémonie qui s'est tenue dans les locaux d’IFPEN à Rueil Malmaison le 23 novembre.
Ses travaux de recherche ont permis de mieux appréhender la nature et la dynamique d’évolution de la matière organique pour prédire à l’échelle d’un bassin sédimentaire les quantités de méthane biologique émises au cours du temps. Cette thèse, qui fait suite au projet de recherche collaboratif PAMELA (PAssive Margins Exploration LAboratories) et qui s’est focalisée sur la marge passive d'Aquitaine et celles du Mozambique et de Madagascar autour du canal de Mozambique, a été dirigée par Eric Deville (IFP School) et Stéphanie Dupré (Ifremer), et co-encadrée par Isabelle Kowalewski (IFPEN), Claude Gout et Johannes Wendebourg (TotalEnergies). 
 

Rencontre avec la lauréate.

Quel est votre parcours ?

Je suis géologue, avec un Master en géologie d'exploration de l'université de Roma Tre (Italie). J'ai toujours été attirée par le travail dans le domaine des géosciences, car il intègre de multiples processus naturels de subsurface. Mais je voulais aussi mettre en pratique mes connaissances, c'est pourquoi j'ai effectué plusieurs stages dans l'industrie. Pour approfondir mes savoirs et satisfaire ma curiosité scientifique, j'ai décidé de poursuivre mon parcours académique avec un projet de recherche appliquée au sein d'IFPEN. 
Ma thèse a porté sur le méthane biogénique qui est généré naturellement par des microorganismes dans les sédiments peu profonds. Le gaz peu profond est une source d'énergie mais aussi un agent climatique s'il est directement émis dans l'atmosphère/océan. L'évaluation des processus de genèse du gaz biogénique nécessite une compréhension de l'activité biologique à l'échelle microscopique et de l'évolution de la dégradation de la matière organique au fil du temps, combinée à la compréhension de l'évolution géologique à l'échelle d'un bassin sédimentaire. L'intégration de ces processus dans un « workflow » de référence a été l'aspect le plus difficile de mon projet.
 

Que faites-vous aujourd’hui ?

Travailler dans le secteur de l'énergie a toujours été mon rêve professionnel, car l'énergie représente un bien essentiel à la vie. Aujourd'hui, nous devons être ouverts aux nouveaux défis et aux nouvelles perspectives de l'énergie sous ses multiples formes. C'est pourquoi j'ai récemment intégré le programme « OneTech Graduate » de TotalEnergies, qui me permet d'élargir mes connaissances et de m'engager activement dans la transition énergétique.
 

Quelles sont les applications concrètes possibles des travaux de votre thèse ?

J'ai démontré que la modélisation de bassin peut être utilisée pour quantifier les émissions au niveau des fonds marins et pour estimer la quantité de gaz émise au cours des derniers millions d'années. Dans ma zone d'étude, le méthane est émis directement dans l'océan, mais il est possible d'appliquer une démarche similaire pour le gaz biogénique produit à partir de sédiments terrestres.  J'ai entrepris la tâche d'évaluer les émissions naturelles de méthane via une approche de modélisation de bassin bien connue et validée qui permet également de faire des extrapolations des émissions de méthane dans le passé géologique. 
Il est important de noter qu'IFPEN travaillait déjà sur l'intégration des processus de génération de gaz biogénique à l'échelle du bassin via la modélisation numérique lorsque j'ai commencé mon projet de thèse. Cependant, le sujet nécessitait une compréhension de multiples disciplines, l'intégration de différentes échelles et une validation sur une étude ciblée. Ma thèse a permis de mettre en œuvre le prototype de gaz biogénique existant qui n'avait jamais vraiment été calibré auparavant. 
Une fois bien maitrisés et modélisés les processus de genèse de méthane dans un bassin, il est alors envisageable de faire un pas de plus et de modéliser la formation des hydrates de gaz. Les hydrates sont des dépôts de gaz solides que l'on trouve dans des sédiments marins et terrestres relativement peu profonds. Les hydrates sont stables dans des conditions de température et de pression spécifiques, mais quand ces conditions changent (par exemple, une augmentation de la température), ils peuvent devenir instables et libérer de grandes quantités de méthane. De telles études permettraient de quantifier une autre source importante d'émissions naturelles de méthane ayant un impact sur l'atmosphère et affectant la biodiversité marine.
 

Que vous a apporté le fait de faire votre thèse à IFPEN ?

J'ai vraiment aimé faire ma thèse à IFPEN. En tant que doctorant, vous faites partie intégrante d'IFPEN qui s'assure que vous vous sentez à l'aise avec votre sujet de thèse, et que vous avez toutes les conditions requises pour poursuivre votre parcours. IFPEN organise des journées où tous les doctorants de différentes disciplines se réunissent pour rencontrer des personnes de l'industrie. Les doctorants peuvent assister à des séminaires scientifiques sur des thèmes généraux et spécifiques, afin d'approfondir leurs connaissances sur divers sujets et ils peuvent présenter leurs travaux lors de conférences scientifiques. 
En tant que doctorant, vous avez accès à la grande expérience des scientifiques d'IFPEN. Chacun est prêt à partager ses connaissances et à discuter de nouvelles propositions. Pour mon sujet multidisciplinaire, il était vraiment important d'avoir un tel soutien de la part des différents départements qui m'ont aidé à relever certains des défis auxquels j'étais confrontée.    
J'ai également apprécié la collaboration avec les autres centres de recherche, les universités, et en particulier la collaboration avec l'industrie qui m'a aidé à façonner ma future carrière. IFPEN est un excellent centre de recherche avec une longue histoire en géosciences et ce centre est mondialement connu pour la caractérisation de la matière organique et la modélisation de bassin. J'ai passé trois années de thèse très enrichissantes à IFPEN.
 

Diaporama de la Cérémonie Yves Chauvin 2022 :